1817 |
Ce trajet, long, pénible, ennuyeux, ne manquait
cependant point de quelque charme pour l'esprit tant soit peu impressionnab1e et
poétique. Les hauts arbres, jusque là rois et maîtres de ces lieux, surplombant la
surface des ondes, joignant et entremêlant souvent leurs cimes touffues, déroulaient aux
regards du voyageur un tableau ravissant où se peignait la sombre majesté des forêts;
puis le silence mystérieux d'un demi jour, interrompu seulement par le bruit des rames et
les chants joyeux et variés des habitants des bois, tout contribuait à produire sur les
sens cette émotion vague et mélancolique que l'on sent bien mais que l'on ne saurait
trop définir. Dame nature n'avait donc pas tout refusé au hardi colon de l'Yamaska dans
ces temps primitifs, et elle savait leur donner une compensation équitable à ces durs
labeurs.
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Les difficultés ci haut mentionnées, les
misères de tout genre, jointes à un travail incessant, dur, ingrat, mal rétribué, la
pauvreté extrême qui pèse toujours et partout sur les premiers pionniers dans un
canton, ont valu, assez justement à l'endroit le surnom peu flatteur de Ste-Misère. Le
nom de St-Césaire, donné plus tard à la paroisse, forme avec cette épithète deux
rimes qui ne manquent pas d'une certaine richesse: l'oreille de nos braves habitants
canadiens, plus poétique qu'on le croirait, n'a pas laissé tomber la rime, ce qui, bien
probablement a du contribuer à accréditer et à propager cette appellation disgracieuse.
Mais, hâtons-nous de le dire, la fermeté et la persévérance des premiers colons,
l'énergie infatigable de ceux qui sont venus remplacer les lâches, ont fait de St
Césaire une paroisse aujourd'hui des plus florissantes du Diocèse, et par là ont fait
mentir et disparaître le mauvais nom de Ste Misère, et, espérons-le, l'ont enseveli à
tout jamais.
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